Communiqué
Local

Nayah : guérir et donner la vie

Nayah : guérir et donner la vie

« Je n’ai pas où aller, je n’ai rien, personne ne veut de moi dans ma famille, comment vais-je faire pour accoucher ? », dit Nayah*, d’une voix à peine audible, les yeux remplis de larmes. « Je me demandais comment faire à mon arrivée à Yaoundé », ajoute-t-elle désespérée.

Tels étaient les mots de Nayah lors de son premier entretien avec le docteur Seyni Houdou, le psychiatre de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Cameroun.

Âgée de 34 ans, Nayah est rentrée de Libye en septembre 2019. Elle a quitté le Cameroun en mai 2017 dans l’espoir de se rendre en Europe. En cours de route, elle a été arrêtée et emprisonnée en Libye où elle est restée cinq mois avant de bénéficier d’une aide au retour volontaire de l’OIM.

A son retour, Nayah était enceinte de huit mois et n’avait jamais effectué de consultation prénatale. Une aide médicale de l’OIM révèle que sa grossesse est à risque et qu’elle pourrait perdre son enfant, ou même sa vie, si elle n’est pas prise en charge immédiatement.  

« Une grande détresse psychologique anime Nayah ; en effet elle est très inquiète, en proie à un mal-être. Elle nous a fait état de difficultés à dormir et d’une perte d’appétit. Son aventure a eu des effets très néfastes sur sa santé mentale », dit Dr. Seyni Houdou.

Nayah a perdu ses parents alors qu’elle était très jeune. « J’ai dû me battre pour réussir » nous dit-elle. Elle n’est pas mariée et a refusé d’évoquer tout ce qui était en lien avec sa grossesse durant ses entretiens avec le psychiatre. Avant son départ pour l’Europe, sa maison paternelle a été vendue par ses oncles et sa petite sœur et son petit frère ont été expulsés de la maison et confiés à des proches. « Si j’avais une famille qui se souciait de moi pensez-vous que je serai seule sans soutien alors que je suis presque à terme dans cet hôtel ? », rapporte-t-elle.  

Ainsi à son retour Nayah s’est retrouvée seule et sans aucun soutien familial. Sa grossesse, conçue hors mariage, a davantage détérioré les liens déjà fragiles qui existaient entre elle et les membres de sa famille.  

Dans le cadre de sa réintégration, l’OIM a mis en place un accompagnement spécial pour Nayah, lui permettant d’apaiser sa souffrance psychologique et d’envisager l’avenir avec plus de sérénité. Elle a bénéficié d’un suivi médical et d’une consultation prénatale. Une césarienne est programmée pour la naissance de son futur enfant. Elle a également bénéficié d’une aide au logement, afin d’avoir un endroit décent ou vivre avec son enfant, d’un kit layette et d’une aide alimentaire. Deux fois par semaine, elle rencontre Dr. Seyni pour une évaluation et un soutien psychologique. Nayah a pu reprendre contact avec sa petite sœur qui sera présente lors de l’accouchement.

« Je suis soulagée et maintenant je ne veux qu’avoir mon enfant dans mes bras » dit-elle avec un sourire timide.  « Votre soutien moral m’a beaucoup aidé. Je dors mieux et j’ai retrouvé l’appétit, » ajoute Nayah.

« Quand le migrant de retour ne retrouve pas sa capacité d’adaptation à ces situations de vie difficiles, parfois déchirantes, la détresse psychologique réactionnelle se renforce et s’ancre encore plus et peut évoluer en troubles mentaux. Loin de nier la place des médicaments dans une prise en charge, une réponse axée sur l’environnement, le confort social et le bien-être permet à beaucoup de personnes de faire face à l’adversité et de mobiliser en eux leurs capacités de faire face à une telle situation », conclut Dr. Seyni.

Depuis juin 2017, 3 310 Camerounais ont bénéficié de l’aide au retour volontaire de l’OIM grâce à l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants. A leur retour, ils reçoivent une aide psychosociale qui permet d’atténuer leur fragilité et de favoriser leur réintégration au sein de leurs communautés. Parmi ces personnes, 593 ont été identifiées comme étant particulièrement vulnérables et ont bénéficié d’un soutien psychosocial et en santé mentale de l’OIM.