Propos d’Isimeme Whyte : « Avec les activités artistiques, vous redonnez de l’espoir aux migrants de retour. C’est comme un antidouleur, cela leur permet de voir les choses différemment ».

Isimeme Whyte est une entrepreneure sociale et une défenseuse des droits humains, qui travaille sur une multitude de questions, notamment la traite des personnes et la migration irrégulière, les violences sexuelles et sexistes. À l’âge de 19 ans, elle a fondé la « Young Girls Foundation Nigeria », qui s’est développée pour devenir la « Genius Hub Global Initiative ». Partenaire de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Nigéria, Genius Hub contribue à la formation professionnelle et aux programmes de développement entrepreneurial en faveur de plus de 3 500 jeunes, femmes, migrants irréguliers de retour et survivants de la traite des personnes dans l’État d’Edo.

« Les jeunes d’Edo veulent partir à cause de l’insécurité, pour une vie meilleure et des infrastructures de qualité. À l’étranger, ils voient un système qui fonctionne : “si je travaille, je suis payé ; si je suis malade, je bénéficie de meilleurs soins”. Les gens veulent voyager parce qu’ils ont l’impression que la vie est meilleure à l’étranger et ils renforcent leur estime de soi en voyageant.

La plupart des jeunes d’Edo ne font pas vraiment attention aux conséquences des voyages irréguliers ou de la traite des personnes. Ils se focalisent sur les biens des migrants de retour qui ont réussi, qui sont maintenant basés ici ou qui viennent au Nigéria de temps en temps. Et quand ils reviennent, ils arrivent avec de grosses voitures et la société les rend hommage. Cela leur donne l’impression que la seule façon d’être honorés eux aussi est de voyager hors du pays ».

Le Nigéria est l’un des principaux pays africains de migration. Selon les derniers chiffres du DAES des Nations Unies, 1 670 455 personnes auraient quitté le Nigéria en 2020, contre 1 256 408 l’année précédente, et presque trois fois plus qu’en 2000 (610 130). Le pourcentage de migrants irréguliers est difficile à déterminer, car ils sont en dehors des normes réglementaires des pays, et généralement dans le but d’éviter la détection. 

« À Genius Hub, nous travaillons avec beaucoup de migrants de retour qui sont rentrés les mains vides. C’est vraiment douloureux, traumatisant d’entendre leur histoire, surtout si vous parlez à certaines des filles et des femmes. Elles ont été violées à plusieurs reprises, elles ont été battues, elles ont été utilisées comme esclaves. Lorsqu’elles retournent dans leur pays, elles ne sont pas acceptées. Les familles se sentent déçues. En premier lieu, l’enfant part parce qu’il veut améliorer son statut économique et celui des membres de sa famille. Lorsqu’ils reviennent, la plupart des familles ont des attentes : elles espèrent que lorsque cette personne reviendra, la situation économique sera améliorée, la vie sera meilleure. Il y a un fossé entre les migrants de retour et les membres de leur famille et de leur communauté. Les migrants de retour se sentent souvent rejetés et lorsqu’ils se sentent exclus de leur cercle d’influence, ils sont également déçus d’eux-mêmes. C’est le facteur le plus important de notre travail ».

L’OIM fournit une aide à la réintégration aux migrants de retour afin de les soutenir à refaire leur vie dans leurs communautés d’origine. En coopération avec des partenaires tels que Genius Hub, les migrants de retour reçoivent un soutien psychosocial pour déterminer les vulnérabilités et leurs causes dans le but d’offrir une aide adaptée.

« Lorsque nous entrons en contact avec eux, nous leur apportons un soutien psychosocial pour les aider à se rétablir à temps. Nous effectuons un profilage approfondi pour comprendre d’où ils viennent, ce qu’ils ont traversé et quels sont leurs projets. Nous avons été formés par l’OIM. Nous avions déjà notre propre programme, nos propres pratiques en matière de soutien psychosocial aux migrants de retour, notamment sur des thèmes comme les violences sexistes, mais la formation dispensée par l’OIM a rendu notre programme très solide et a facilité la réintégration pour nous et pour les migrants de retour.

Nous avons réalisé un certain nombre de projets avec l’OIM. Une chose qu’elle a vraiment bien faite est de nous exposer aux meilleures pratiques, notamment sur les programmes, les formations qui aideront notre programme à être durable, la communication pour le développement qui nous a été présentée par l’OIM, les activités artistiques qui ont été introduites par l’OIM et qui sont devenues une partie de notre programme et sont des choses qui ont facilité le processus de rétablissement de nos bénéficiaires ».

L’OIM s’appuie sur des activités artistiques pour renforcer les capacités des migrants de retour qui ont été exposés à la violence, à l’exploitation et aux abus, afin qu’ils puissent partager leurs expériences personnelles par le biais de plateformes de dialogue communautaire et d’éducation par les pairs. Les ONG partenaires sont formées pour dispenser les techniques aux migrants de retour ainsi qu’à l’ensemble de la communauté. Cette approche vise à améliorer l’accès à des sources d’information fiables et à promouvoir une prise de décision éclairée en sensibilisant les migrants potentiels aux options de migration régulière, aux vulnérabilités à la traite des personnes et aux risques associés à la migration irrégulière et aux conséquences qui en découlent.

« Nous aimerions élargir nos activités à d’autres pays africains ; nous aimons l’impact, les histoires de réussite. Nous voulons travailler avec l’OIM dans d’autres pays africains. Nous cherchons simplement à faire plus parce que nous pensons qu’un certain nombre de personnes auront toujours besoin d’aide et n’ont pas accès à Genius Hub, et nous pensons qu’avec l’OIM, nous devrions être en mesure d’atteindre plus de personnes ».