Histoire
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  • Stylia Kampani | Public Information Officer, Nigeria

Le sourire aux lèvres, Lilian déguste pour la première fois du « jollof rice » nigérian après avoir passé cinq ans en Libye.

« Quand j’étais enceinte, j’avais une folle envie de manger du plantain et du ‘jollof rice’. Je regardais des photos sur Facebook en en rêvant ».

La jeune femme de 32 ans est mère de deux petites filles, Sofia et Sonia, âgées respectivement de 4 ans et de 5 mois. Elle a accouché seule à Tripoli pendant que son mari, Ahmed, travaillait pour subvenir aux besoins de la famille qui s’élargissait.

« J’ai accouché dans notre maison », raconte-t-elle.

« Il n’y avait que moi. J’ai été en travail pendant trois jours, et personne ne le savait. » Elle s’est rendue à l’hôpital pour demander de l’aide lorsqu’elle s’est sentie prête à accoucher. Cependant, sans des documents appropriés comme un passeport, un certificat de mariage ou un test COVID-19, il était impossible d’obtenir de l’aide. Elle n’avait pas non plus l’argent nécessaire pour payer une opération. Impuissante et seule avec la petite Sofia à la maison, elle a accouché toute seule.

« J’étais épuisée. Je n’ai pas mangé pendant trois jours. »

Lilian est arrivée en Libye à la fin du mois de juillet 2017 à la recherche d’un avenir meilleur. Ayant perdu ses parents étant très jeune, elle a grandi seule dans la banlieue de Benin City, dans le sud du Nigéria.

« C’était dur, je devais m’occuper de tout et je n’avais personne vers qui me tourner ». Cette expérience a rendu Lilian plus forte et elle n’a jamais renoncé à la vie. Son ambition était de devenir infirmière, mais elle n’avait pas assez d’argent pour payer les frais de scolarité. Ses amis lui avaient raconté des histoires de Nigérians qui gagnaient bien leur vie en Libye. Elle s’est laissée tenter, car son avenir chez elle semblait bien sombre. Après 15 jours de voyage difficile, de Benin City à Kano, au Niger, en passant par le désert du Sahara, elle est finalement arrivée à Tripoli.

À Tripoli, elle a rencontré d’autres Nigérianes et a trouvé un emploi de femme de ménage dans une maison. « Les gens n’étaient pas gentils avec moi, simplement parce que j’étais africaine ».

La vie en Libye n’était pas celle qu’elle avait imaginée. Les enlèvements, les passages à tabac, les emprisonnements, les extorsions et les abus sont monnaie courante pour les migrants qui transitent ou vivent en Libye.

« En Libye, on dort avec un œil ouvert. Il faut être prêt à fuir à tout moment », souligne Lilian. 

Une nuit, sa famille a été forcée de quitter la maison, car le propriétaire s’est soudainement présenté pour demander un loyer plus élevé. « Si vous ne pouvez pas payer, ils vous jettent immédiatement dehors. Ils arrivaient avec des fusils et des matraques métalliques, prêts à vous battre. »

Incapables de payer le loyer revu à la hausse, ils ont emballé leurs affaires et sont partis au milieu de la nuit.

Pendant quelques jours, ils ont été hébergés par d’autres Nigérians jusqu’à ce que son mari trouve une autre chambre.

Dans la nouvelle maison, elle a indiqué que le propriétaire lui faisait des remarques et des avances très déplacées. Un jour, alors que son mari Ahmed était parti travailler à l’extérieur de Tripoli, le propriétaire est devenu plus agressif et a essayé de la violer. Elle l’a immédiatement repoussé en criant et en hurlant.

Comme elle ne s’est pas laissée faire, il a mis la famille à la porte le jour même. Une fois de plus, ils se sont retrouvés dans la rue pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’ils trouvent un endroit où loger.

Lilian recevait des produits pour bébés, de la nourriture et des médicaments de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Libye, car elle n’avait pas assez de moyens pour nourrir ses deux enfants. Elle avait entendu parler de l’aide au retour et à la réintégration de l’OIM et a décidé, après des années d’épreuves, de rentrer au Nigéria.

« Rentrer chez moi était comme un rêve après tout ce que j’ai vécu en Libye », dit-elle. Elle prévoyait de partir avant octobre 2022, mais étant au 8e mois de grossesse, elle a dû attendre quelques semaines jusqu’à ce que le vol soit sûr pour elle et son bébé.

Lilian après son arrivée à l’aéroport international de Lagos. Photo : OIM/2022 Stylia Kampani

Lilian fait partie des 126 Nigérians qui sont rentrés sains et saufs de Libye le 13 octobre 2022. À ce jour, plus de 3 000 Nigérians ont été aidés par l’OIM pour leur retour volontaire de Libye depuis janvier 2022. Le partenariat entre l’OIM et l’Union européenne dans le cadre de l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants a aidé les Nigérians à avoir une nouvelle perspective de retour chez eux.