Histoire
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  • Awa Cissé

« Le fait qu’elles soient parties à l’aventure puis revenues, n’est pas un échec » : le pari du programme Body Acceptance en partenariat avec l’OIM.

Faire sortir de soi l’indicible et s’en servir pour transmettre un message, c’est le pari qu’on s’est données, un groupe de huit femmes, grâce à un programme innovant, « le Body Acceptance » d’activités de soutien psychosocial.

S’appuyant sur la danse comme forme d’expression non verbale, ce programme novateur propose d’aborder la gestion de la détresse psychosociale au travers de l’art. Pendant deux mois, j’ai assisté à des sessions de danse avec sept migrantes de retour qui sont intégrées depuis 2019 au projet « Migrants comme Messagers » (MaM) dont je fais partie en tant que volontaire.

A travers l’expression de la danse, nous essayons de déconstruire la honte liée au retour tout en sensibilisant sur les risques de la migration irrégulière. Le projet m'a tout de suite attirée parce qu'il me permettait de faire ce que j'aime, c'est-à-dire orienter et conseiller à de meilleurs choix à travers la sensibilisation. Il était en plus important pour moi de m'engager dans la sensibilisation sur le thème de la migration irrégulière en raison de l'impact de ce phénomène sur l'avenir de plusieurs jeunes africains et sur l'unité des familles.

Session de danse organisée dans le cadre du programme Body Acceptance. Photo : OIM 2022/Mohamed Aly Diabaté

Lorsque j’ai intégré le projet MaM en tant que volontaire en 2019 , le courant est très vite passé parmi les volontaires. Nous étions toutes animées par un seul but, sensibiliser pour sauver des vies.

Engagées dans le cadre du projet MaM, ces activités communautaires visent à restaurer les liens dans toutes les dimensions sociales et d’engager les volontaires du projet vers une meilleure conscience de la santé mentale et de sa prise en compte comme composante incontournable du bien-être moral, physique et social.

L'esprit étant la base de toutes réalisations, pour moi le bien être morale est primordial pour l'épanouissement de tous et encore plus pour des migrants de retour après avoir vécu d'énormes difficultés. Leur bien être morale doit être une nécessité car ils sont enclins à récidiver ou à déprimer.

La danse n’est qu’une forme d’expression pour nous permettre de pouvoir nous exprimer, d’être écoutées, de se parler et d’échanger sur des ressentis, des expériences douloureuses. Pendant chaque répétition, des discussions était organisées au cours desquelles chacune d’entre nous pouvait parler à cœur ouvert. 

Pour la fondatrice du programme Body Acceptance, Paule Marie Assandre, « l’expression de soi par la créativité contribue à déconstruire tout sentiment de fatalité et ouvrir les chemins des possibles, c’est-à-dire se mettre en mouvement pour valoriser son potentiel en allant chercher toutes les ressources en soi. »

Ce programme m’a permis de guérir de beaucoup de choses que j’avais en moi depuis mon enfance, il m’a permis de m’affirmer, d’avoir confiance en moi et de me donner aussi le droit de mériter le bonheur.

Huit semaines de répétitions ont donné lieu à un spectacle le 17 juin 2022 où nous avons partagé le fruit de notre travail devant près de 300 personnes. Nous avons choisi le thème « Parcours » collectivement pour transmettre un message de positivisme et de résilience à nos communautés.

Outre la danse, l’évènement de sensibilisation à l’Institut Français de Côte d’Ivoire a mêlé le slam une exposition photo. Cinq volontaires MaM ont participé à des cours d’écriture d’un texte de Slam sous la direction des slameurs professionnels Amee La Slameuse et Taho Onesime.

"Bien vrai que le retour ait été marqué par des stigmatisations de certains proches en raison de ce qu’ils ont qualifié d’échec, nous exprimer sur notre vécu a permis de le ressentir comme une force en informant sur les dangers réels du parcours migratoire », dit Diarrassouba Maimouna, une des volontaires MaM.

Elle a perdu toute sa famille lors de la traversée de la Méditerranée. De retour, elle s’est engagée comme volontaire pour parler de son histoire. Elle a également participé au programme Body Acceptance qui lui a permis de s’accepter, de vivre en harmonie avec elle-même et de gagner en confiance. « Nous avons également pu découvrir plusieurs opportunités là où nous n’en avions pas vu, nous découvrir la capacité d’entreprendre et de pouvoir réussir ici. »

Chacune ici inspire l’histoires des autres. Tout ce qu’on a vécu, on choisit de laisser cela derrière nous. Nous voulons exprimer la joie et la fierté de ce que nous avons accompli.

Alors on danse !

Awa Cissé est fière de pouvoir aider ses pairs à surmonter leurs expériences traumatisantes. Photo: Tony Santana Mohamed Diabaté /2022

Aujourd’hui, Awa Cissé et l’ensemble ont mis en place, avec l’appui de l’OIM, une association qui œuvre pour la réinsertion des migrants de retour en Côte d’Ivoire, l’ARM-CI. Awa a par ailleurs intégré Radio Africa en tant que stagiaire et souhaite continuer d’œuvrer pour sensibiliser ses pairs sur les risques qu’ils encourent lorsqu’ils s’engagent vers le chemin de la migration irrégulière. . Awa a par ailleurs intégré Radio Africa en tant que stagiaire et souhaite continuer d’œuvrer pour sensibiliser ses pairs sur les risques qu’ils encourent lorsqu’ils s’engagent vers le chemin de la migration irrégulière.