Moussa Thioub est un homme de 47 ans avec de grands objectifs. On le rencontre dans sa boutique au quartier de la Patte d’Oie à Dakar. Une béquille sous le bras droit l’aide à se tenir debout ; il arbore des lunettes et un grand sourire sur son visage.

Il se considère chanceux d’être encore en vie. En 2017, pressé de partir en Europe pour une vie meilleure, il a entrepris le voyage de façon irrégulière. C’était l’étape la plus difficile, tenter de traverser la mer pour l’Espagne, qui est à l’origine de l’utilisation des béquilles pour se déplacer.

Comme beaucoup de jeunes à la fuite de pression sociale, conscients des responsabilités qui les attendent, Moussa a rassemblé toutes ses économies et est parti par voie terrestre. Il a pris une voiture dans la capitale sénégalaise pour le Mali. Le voyage s’est fait en plusieurs étapes en passant par le désert pour arriver en Libye, notamment le Mali, le Burkina Faso, le Niger et ensuite la Libye.

Originaire de Touba, la deuxième ville du pays, à 200 kilomètres de Dakar, Moussa se souvient qu’il y avait « beaucoup de jeunes de son âge qui ont sorti leur famille des difficultés ». Avant de partir, il a travaillé comme commerçant en vendant des accessoires de téléphone. Cette activité lui a permis de payer le trajet du Sénégal en Lybie. Ce dernier long et périlleux a causé la blessure dont les séquelles sont encore visibles.

Depuis son retour, Moussa quitte tous les jours Parcelles Assainies au nord-est de Dakar pour exercer son métier de vendeur d’accessoires de téléphones à Patte d’Oie qu’il exploite avec un ami dans un local de commerce dans le marché où ce dernier fait du transfert d’argent. Ce lieu est près de l’hôpital Nabil Suker, dans une zone carrefour située sur une grande route qui est très fréquentée.

Comme sa famille se trouve à Touba, il y va toutes les deux semaines pour les voir. Son périple lui a servi de leçon et il se dit satisfait d’être encore en vie après l’expérience malheureuse qu’il a vécue lors de son expérience migratoire.

« Nous avons subi des difficultés pendant tout le long du trajet, mais la Libye fut un calvaire. Les passeurs ont abusé de notre situation irrégulière pour prendre tout l’argent à notre disposition en plus des oppressions qu’ils nous faisaient supporter ». Toutes ces étapes sont rimées par les difficultés physiques, les problèmes avec les passeurs et des manques d’argent. Parfois Moussa était dans l’obligation de demander à ses parents d’envoyer des sommes pour continuer.

Lors de la tentative de traversée de la mer, la majeure partie « des passagers ont subi de nombreuses formes de maltraitances comme des emprisonnements, des privations de nourritures, des menaces, des détentions. Ils avaient jusque-là ravalé leur colère et s’étaient montrés patients pour arriver à leur but, ils ont craqué face aux supplices causés par les passants. Une bagarre est déclenchée, j’y ai participé et j’ai reçu une barre de fer qui m’a cassé la jambe. Je suis sorti de ce conflit avec une blessure grave et l’OIM est appelée à la rescousse ».

Moussa a dû subir de longs traitements qu’il a reçus grâce à l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) depuis la Libye. En effet, aussitôt blessé, Moussa est pris en charge totalement par cette organisation qui s’est occupée de son hospitalisation. Ensuite, l’Organisation a financé son hébergement pendant plus de cinq mois en Libye jusqu’à son retour dans le cadre de l’Initiative conjointe UE-OIM.

« Après l’incident de la bagarre, j’ai subi une opération. Les médecins ont mis du fer et du plâtre dans ma jambe. Je suis resté immobile pendant cinq mois durant lesquels c’est l’OIM qui prenait en charge ma nourriture, mes vêtements, mon logement. En plus, cette organisation envoyait des agents pour me rassurer et me donner une assistance psychosociale. La prise en charge a continué après mon retour au Sénégal et a abouti à l’achat de matériels destinés à mon commerce ».

Moussa dans son commerce, deux ans après sa réintégration économique. Photo : OIM 2022

Après une longue période de convalescence, et en compagnie d’autres migrants, Moussa est revenu au Sénégal le 26 mars 2019, avec de l’argent de poche, auprès de ses parents toujours avec l’aide de l’OIM. Cette dernière a continué les traitements au Sénégal et a convoqué Moussa et d’autres migrants à une session d’écoute et de parole à Fatick.

Dès lors la réintégration économique a commencé. Moussa dit avoir tiré beaucoup de connaissances de la formation offerte par l’OIM. « Les séances d’écoute et de paroles m’ont permis d’être plus motivé quant à mes projets d’avenir. Avec les autres participants, je me suis senti moins seul et plus endurant après les épreuves que j’ai subies. Je suis devenu plus entreprenant et j’ai mieux compris comment gérer une entreprise. »

Trouvé à son lieu de travail, Moussa révèle : « Depuis plus de deux ans, je suis dans l’activité que l’OIM m’a aidé à mettre en place, et je ne me plains pas parce que je parviens à résoudre tant bien que mal mes dépenses. Je suis optimiste pour la suite de l’entreprise ». La vente lui permet de nourrir sa famille à Touba. Il aimerait agrandir encore ce commerce qui représente sa passion, mais les charges familiales sont lourdes. Néanmoins, il s’en sort, il n’a pas de dettes et pour lui c’est l’essentiel.

Cet article a été rédigé par Madjiguene Faye, facilitatrice de terrain de l’OIM. Elle fait partie du réseau de facilitateurs et formateurs de terrain depuis janvier 2020 pour la zone centrale au Sénégal. Elle s’occupe de l’accueil, de l’orientation, du coaching et de la mise en œuvre des projets économiques des bénéficiaires de l’Initiative conjointe EU-OIM.

SDG 3 - BONNE SANTÉ ET BIEN-ÊTRE
SDG 8 - TRAVAIL DÉCENT ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE