Communiqué
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Les réalisatrices noires revendiquent leur place dans l’industrie cinématographique

Spectateurs au Festival Films Femmes Afrique, édition 2020. Photo : OIM

Les réalisatrices noires sont encore sous-représentées dans l’industrie cinématographique, comme dans la plupart des autres secteurs d’activités de la société, par rapport aux hommes. Entre 2007 et 2016, sur les 1 000 films les plus populaires dans le monde, seuls 4 % des réalisateurs étaient des femmes noires. Cependant, ces dernières années ont vu l’émergence progressive de réalisatrices de films dans tout le continent.

Cette situation offre aux plateformes telles que le Festival international du film sur la migration de l’OIM pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre l’occasion de présenter ces films pour une plus grande visibilité et une meilleure appréciation. Cette année, le festival présente 35 films, dont plus de la moitié ont été réalisés ou co-réalisés par des femmes.

Parmi ces réalisatrices figure Fatimah Dadzie, une Ghanéenne qui vient de sortir « Le choix de Fati » (2021). Le documentaire évoque le retour douloureux de Fati, une mère de trois enfants, dans sa ville natale. « Je n’aurais pas pu réaliser le même film si le personnage principal était un homme, et ce pour plusieurs raisons », explique Fatimah. « Premièrement, un homme ne serait jamais traité aussi horriblement par sa propre famille comme l’a été Fati à son retour ; deuxièmement, en tant que femme racontant une histoire féminine, je me sens plus qualifiée pour la regarder dans une posture de femme ». Fatimah a également décidé de travailler avec une équipe féminine afin de créer un espace sûr pour que Fati puisse raconter son histoire.

Être à l’aise : ce sentiment fait souvent défaut lorsqu’on aborde des sujets liés au sexe, notamment la sexualité et la santé reproductive, l’autonomisation des femmes ainsi que l’expérience des femmes en matière de migration. Et ce, non seulement chez les personnes âgées, mais aussi chez la jeune génération. Dans ce contexte, le cinéma peut offrir au spectateur un moyen d’aborder ces sujets sensibles. Tabara Ly, la réalisatrice sénégalaise du documentaire « Maison Bleue » (2020), a découvert cette forme d’art par hasard. En donnant un coup de main de dernière minute à sa sœur sur un plateau de tournage, elle a pris goût à cette activité et a décidé de faire carrière dans le cinéma. « Le cinéma est le moyen le plus efficace de faire passer un message. Vous avez le texte, l’image et le son. Si le film ne « parle » pas au public ou ne le fait pas réfléchir, il rate son objectif ».

Marie Camara Ndiaye, réalisatrice sénégalaise du film d’animation « La Quête » (2018), confirme la pertinence que les femmes utilisent le cinéma pour aborder des questions sociopolitiques ou liées au genre et à la culture. Cependant, elle note que cette légitimité ne suffit pas à éroder les idées préconçues. « Les femmes réalisatrices ont tout intérêt à connaître les tenants et les aboutissants des choses qui leur tiennent à cœur. Elles doivent se former, faire preuve de professionnalisme et se présenter comme des références. Un migrant de retour au pays sait tout sur la migration, mais cela ne fait pas de lui un cinéaste professionnel ».

Pour Ethosheia Hylton, réalisatrice de « Dolapo is fine » (2020), l’égalité entre les sexes joue un rôle important sur le plateau ; elle applique un quota de 50 % de femmes et d’hommes. Bien que les postes clés, notamment ceux de producteur, de scénariste et de réalisateur, soient occupés par des femmes, elle pense que l’effort va dans les deux sens : « Je constate une évolution positive vers des réalisatrices, mais lorsqu’une personne est suffisamment compétente pour raconter l’histoire telle qu’elle a été prévue ; le sexe ne devrait pas être un problème ».

Outre la pression familiale, les femmes peuvent être confrontées à une pression supplémentaire de la société. Martine Ndiaye, cinéphile franco-sénégalaise et organisatrice du Festival Films Femmes Afrique, en est on ne peut plus convaincue : « Nous, les femmes cinéphiles, sont en position minoritaire dans l’industrie cinématographique. Le changement est nécessaire. De jeunes réalisatrices arrivent, et elles font des courts-métrages. Pour que le cinéma évolue, il faut que nous fassions plus de comédie pour attirer l’attention du grand public. Au Sénégal, le public a souvent tendance à ne pas faire la différence entre le personnage d’une série dramatique et l’acteur/actrice qui joue ce rôle. Grâce à la comédie, je pense que nous pouvons créer un moment de réflexion suivi d’une discussion avec les membres de la communauté ».

Le Festival international du film sur la migration de l’OIM en Afrique de l’Ouest et du Centre se déroule du 20 novembre au 18 décembre dans 12 pays de la région. Toutes les femmes citées dans cet article sont sélectionnées pour participer au concours officiel du festival, à l’exception de Martine Ndiaye de Festivals Films Femmes Afrique. Le public a le choix entre 20 films (courts, longs et documentaires) abordant le thème de la migration. Le festival met également en avant des films qui abordent le thème de la violence fondée sur le genre, en phase avec la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes. Vous pouvez écouter ici un podcast sur les origines de cette campagne.
 

Cet article a été rédigé par Tijs Magagi Hoornaert, consultant en communication à l’OIM​.

SDG 5 - ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES
SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES